Article N° 8212
Conseil de l'Ordre
Conseil de l’Ordre : un rempart contre les dérives …
Abderrahim Derraji - 19 octobre 2025 23:21Il y a des histoires qui redonnent foi dans les institutions, et d’autres qui rappellent combien leur absence ou leur inertie peuvent coûter cher, à la fois à la profession et au citoyen. L’affaire du pharmacien breton sanctionné pour charlatanisme en est une illustration parlante.
Tout est parti d’un patient scandalisé par le comportement de son pharmacien. Ce dernier, au lieu de prodiguer des conseils fondés sur la science, recevait ses clients dans l’arrière-salle de son officine pour parler de «nutrition», de «taux vibratoire» et «d’unités Bovis». Sur un flyer comportant sa photo, il proposait des méthodes de «libération du covid-graphène» et des protections contre les «poupées vaudou» ou les «marabouts». Des pratiques qualifiées, à juste titre, de charlatanisme par les instances ordinales.
Face à cette dérive, le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Bretagne a agi avec fermeté : enquête, instruction, puis
sanction. Le pharmacien a été condamné à cinq années d’interdiction d’exercer. La chambre disciplinaire nationale a confirmé cette décision, soulignant qu’un pharmacien cautionnant de telles théories met en danger la santé publique et porte atteinte à l’image de toute la profession.
Cette affaire à peine croyable rappelle ce que doit être un Ordre professionnel : un gardien de la déontologie, un rempart contre les dérives, un bastion de la science et de la responsabilité.
Loin de toute complaisance, l’Ordre doit défendre l’honneur d’une profession qui tire sa légitimité de la rigueur et de l’éthique. Là où il remplit pleinement sa fonction de régulation, la crédibilité du pharmacien est préservée et il en est de même pour la confiance des citoyens.
Au Maroc, on assiste à des dysfonctionnements qui compromettent les missions ordinales. Les conseils de l’Ordre, censés assurer cette régulation ainsi que la veille déontologique, traversent une crise profonde : les conseils régionaux des pharmaciens d’officine n’ont pas organisé d’élections depuis 2017. Depuis huit ans, et malgré les efforts de quelques membres pour gérer les affaires courantes et traiter les dossiers urgents, les conseils de discipline ne se réunissent plus. La profession est livrée à elle-même. Les
comportements anti-déontologiques ont tendance à se généraliser, bien qu’un grand nombre de pharmaciens restent attachés à l’éthique et à la déontologie.
Ce blocage fragilise des institutions pourtant essentielles à la crédibilité de la profession pharmaceutique. Quand l’Ordre ne joue plus son rôle, c’est tout un équilibre qui s’effondre : les fautes ne sont plus sanctionnées, la déontologie s’efface et la confiance du public s’érode.
Plus que jamais, la profession a besoin d’un Ordre fort, indépendant et légitime. Un Ordre capable de dire non aux dérives sous toutes leurs formes et de protéger la santé du citoyen. C’est à ce prix que le pharmacien marocain retrouvera sa place d’acteur essentiel de la santé publique.
Aussi, l’exemple du pharmacien breton ne peut nous laisser indifférents. Là où l’Ordre assume pleinement sa mission, la profession est respectée. Il est temps de remettre nos conseils sur les rails. Faute de quoi, ni la régulation de la profession, ni la défense de l’intérêt des citoyens ne pourront être assurées.
Source : PharmaNEWS